L’impact du Covid-19 sous le regard de nos chercheurs et collègues du laboratoire – Dernier épisode

L’impact du Covid-19 sous le regard de nos chercheurs et collègues du laboratoire – Dernier épisode

Questionnaire post-confinement

Les membres du Centre de Documentation Michel Dinet ont dû faire face à une situation inédite durant cette période de confinement.

Il nous a fallu adopter une autre manière de fonctionner, tant humainement que professionnellement. Ainsi est née l’idée de voir comment chacun (Chercheur, Enseignant-chercheur, doctorant, …) a su/pu gérer son travail de recherche ou d’appui à la recherche. L’ensemble de l’équipe s’est donc penché sur la création d’un questionnaire.

Quelques collègues y ont répondu, qu’ils en soit remerciés. La contribution porte sur leur regard par rapport au ressenti lié à la situation de confinement et au vécu de cette période. Nous vous proposons de prendre connaissance de leurs réponses chaque semaine. Voici donc le sixième et dernier témoignage.

 

Ce confinement a-t-il changé votre vision de la recherche, de vos pratiques de recherches (diffusion, confrontation d’idées..)? De quelle manière ?

Il m’a permis de constater, ce que je constatais déjà avant, que nous nous dispersons beaucoup entre de multiples tâches, et qu’une partie d’entre elles est inutile. Il a été l’occasion de refaire un constat fait depuis longtemps, et que je m’appliquais déjà dans une certaine mesure : le bilan carbone désastreux du métier d’EC. A titre personnel, je crois qu’il faut arrêter avec les congrès au bout du monde dont au moins 50% coûtent cher, polluent de manière démesurée et dont l’utilité scientifique n’est pas du tout avérée. Le tourisme universitaire a fait son temps. Ce sont plutôt les petits formats (séminaires, par exemple) dont on j’ai ressenti le manque, car ils tissent aussi le flux quotidien de notre activité intellectuelle et notre sociabilité. Le confinement a permis aussi de mesurer le poids du lien social dans le travail de recherche, et plus simplement dans la vie professionnelle, qui a cruellement manqué. Ne plus pouvoir discuter ou prendre un café avec ses collègues a été une vraie source de souffrance, à la longue.

Ces situations exceptionnelles pourraient-elles donner de nouvelles pistes aux recherches conduites en SHS, particulièrement en SDL ?

Au niveau méta, certainement. La vraie réflexion serait au niveau d’une décroissance devenue nécessaire (moins raisonner en termes d’argent, être moins avide de dépenser, moins publier mais mieux). Cela dit, les progressions de carrière sont construites sur cette accumulation, alors il sera difficile de revenir sur ce mouvement.

L’exercice de votre métier pendant cette crise sanitaire a-t-il permis l’utilisation de nouveaux outils ou de méthodes de travail ? Avez-vous des exemples ?

L’intrusion de la vidéo dans les intérieurs et les relations professionnelles. J’ai trouvé cela violent et désagréable, même si cela a permis de tenir des réunions ou de faire des recrutements. On a accru l’idée que les EC étaient corvéables tout le temps (ça ce n’est pas nouveau) et partout (ça, ça l’est). Il me semble qu’il y a un véritable risque à accepter trop facilement qu’une partie de notre activité se délocalise ainsi dans nos appartements. Côté pédagogie, j’ai découvert des techniques intéressantes, comme le Power Point commenté, et inspiré l’idée de faire des pastilles audio pour certains point de cours à distance et les rendre plus vivants.

Quels ont été les impacts liés à l’organisation du travail pendant la période de confinement ? (vie académique en pause, évènements, rencontres, réunions…)

Le travail pédagogique et de gestion a été alourdi d’au moins 30%. Je n’ai jamais autant travaillé que durant les dernières semaines et celles qui ont suivi le 11 mai et je ne me suis jamais autant ennuyée (ce n’est pas incompatible). La gestion de la deuxième session d’examens en ligne a été particulièrement pénible et chrononophage. Le travail scientifique a été pour moi ralenti ou au point mort : les conditions psychologiques ne se prêtaient par

ailleurs pas du tout à la création ou l’invention nécessaire à toute recherche. Écrire ses petits articles sur tel et tel point de théorie quand les gens meurent dehors paraissait souvent dérisoire et vain.  Au fond, j’ai eu l’impression de garder du travail ce qui était dur et ingrat, mais perdu ce qui en faisait le plaisir (collégialité, rencontres, échanges, créativité).  Je sais que certaines personnes ont trouvé cela propice à l’écriture ou à l’avancée de leurs travaux de recherche ; en ce qui me concerne, pas du tout.

Quelles sont les choses qui vous ont le plus manquées ou marquées durant ce confinement, hors cadre professionnel ?

La façon délirante dont l’État a communiqué à grands coups d’injonctions contradictoires. Le fait que les vraies joies de la vie (la nature, les amis, les relations humaines) sont simples et gratuites. Le fait que notre utilité sur terre est assez relative, et que nous sommes bien moins indispensables que nous le pensons. Nous ne sommes au fond que de petits puces sur le pelage de la terre qui nous secoue comme elle veut et quand elle veut. Nous devrions peut-être penser à être plus humbles, moins centrés autour de nos besoins particuliers, plus respectueux de notre écosystème (le fait que ces maladies naissent sur de gigantesques marchés aux animaux dit quand même quelque chose de notre relation pervertie aux autres espèces), plus prêts à faire des efforts et des concessions pour l’équilibre général.